present tense (dimanche, 15h)

Tout le monde s'agite sur le camp, entre plaintes sur la nuit passée, premières tâches collectives, découverte de Kiloqua, et plus de plaintes encore - cette fois sur le côté confort des douches rudimentaires. Sans surprise, Scylla a du se retenir au moins vingt fois de lever les yeux au ciel. Ils savaient tous en gros ce qui les attendait non ? Elle avait déjà du se retenir de ricaner en voyant les tenues de certaines, qui avaient confondu fashion week et summer camp visiblement. Par flemme profonde de se sociabiliser de si bon matin, Scylla a pris la tangente au prétexte de découvrir à son tour son nouveau terrain de jeu. Immense. De quoi passer son temps à esquiver tout le monde. Jemima doit déjà s'énerver devant son écran, à juger que sa soeur ne fait pas le moindre effort mais pour sa défense, Scylla a toujours eu besoin d'un temps d'adaptation avant de trouver un bon équilibre. Pour le moment, c'est le côté sauvage qui prévaut, mais elle compensera en se rendant utile sur le camp plus tard dans la journée. La forêt lui offre un calme bienvenu tandis qu'elle foule les feuilles en-dehors des sentiers de randonnée. Elle a toujours eu un sens de l'orientation relativement rôdé, et aucune envie de rester dans les sentiers battus littéraux, elle retrouvera son chemin d'une façon ou d'une autre. Et sans grande surprise, ses pas lui font retrouver la terre dégagée d'un des sentiers, qui se termine par un pont et, à l'autre extrémité, une construction en bois surplombant les arbres. Sans hésitation, Scylla monte les marches, traverse le point et rejoint ce qu'elle suppose être un point d'observation. Wow. Ses yeux se posent sur le sol, des dizaines de mètres plus bas, et la vision lui arrache un bref moment de vertige qu'elle finit par dissiper en reposant les yeux face à elle. Toute à sa contemplation, elle sort de ses pensées au son des pas d'un autre candidat, @Gil, qui finit par la rejoindre. « Yo » elle accueille, relativement neutre. « J'envisage de ramener mon sac de couchage ici pour la prochaine nuit, histoire d'être calée. » Elle tourne la tête vers lui, vaguement moqueuse. « La vie en communauté, ça devient vite relou » elle affirme avec un rictus. C'est comme tout, ça dépend de la compagnie, mais là tout de suite la compagnie l'intéresse moyen. « Alors, premières impressions depuis hier ? »

Il a regretté rapidement son van, Gil. C'est la première fois depuis plus d'un an qu'il se retrouve à devoir sociabiliser de cette façon. Il a plutôt l'habitude de rencontrer des voyageurs, d'abord des mecs qui faisaient du trainhopping, comme lui, puis des nomades, après avoir acquis son bolide. Et y'a toujours ce point là qui accroche la discussion. Tu viens d'où, tu vas où, qu'est-ce que tu cherches ? Des questions faciles qui les réunissent d'emblée et mettent à plat des histoires que chacun renferme. Ici c'est différent. Y'a cet aspect superficiel aux rencontres qu'il a du mal à désamorcer. Gil il a atterri ici parce que son van nécessitait des réparations trop longues qui allaient l'immobiliser pendant plusieurs semaines. Plutôt que d'bosser dans un champ de tomates pour la saison il s'est dit que gagner du cash facile ça lui conviendrait bien. Mais il a pas non plus cette façon naïve de briser les barrières. Il en est encore à tripoter la tablette qu'on lui a refilé sans savoir quoi en faire. Et à défaut d'l'allumer et d'alimenter son RS inexistant, il l'enfonce dans son sac et finit par quitter son campement d'un jour pour continuer son exploration des lieux. Gil c'est un observateur, alors dès qu'il a fallu assimiler la beauté de ce qui les entoure il s'est pris au jeu. Il est déjà grimpé sur la cabane, s'est baigné dans le lac, a fait une première boucle de rando pour trouver un spot où méditer. Maintenant il se défoule, marche vite, le regard braqué devant lui, tantôt vers le ciel, mais principalement en avant. Il avance comme il sait le faire, en s'alimentant de l'effort ressenti par ses muscles et des images qui transpercent sa rétine. Y'a qu'@Scylla pour le détourner complètement de sa contemplation. C'est une invitation à partir ? Il interprète entre ses lignes rugueuses, un sourire braqué sur son visage. Il s'assoit sur le flanc d'un rocher, Gil, et se concentre sur le contrebas. J'sais pas. Complexe de comprendre comment vous marchez sur la base d'une présentation impersonnelle au prime. Il s'inclut dedans en haussant les épaules. Le lieu est hyper beau. Ca te fait pas un truc d'être dans une réserve autochtone ? Il sait pas si elle a suivi l'actu, Scylla, mais ça casse des dents à ce sujet de l'autre côté d'la frontière canadienne. Tu t'attendais à quoi ?

La question de @Gil lui tire un sourire mais elle ne s'embarrasse pas à secouer la tête. « Si c'était le cas tu le saurais » elle se contente d'affirmer à la place. Scylla, elle n'a pas le temps, ni l'envie, de jouer au passif-agressif à glisser des messages l'air de rien dans ses propos. Elle fonctionne plutôt à l'opposé, à balancer son humeur du moment sans trop de filtre ni d'empathie pour ce que ça peut éveiller chez les autres. Si elle voulait qu'il parte, elle aurait probablement choisi l'option d'un ouais bref avant de partir d'elle-même histoire de conclure la discussion. Elle hoche la tête à sa remarque, plutôt du même avis. Mais là où ça pourrait donner envie à certains de creuser, Scy là encore fonctionne selon son propre mode de raisonnement : si la discussion lui vient naturellement, elle en profitera pour en apprendre davantage sur les autres sans aucune considération pour ce que le prime a pu révéler à leur sujet. De toute façon, elle n'a pas retenu grand-chose sur les uns et les autres, trop distraite par son environnement pour réellement prêter attention aux gens. « S'il suffisait de quelques phrases sur un profil pour connaître quelqu'un, ça serait inquiétant » elle renchérit en haussant les épaules. Certains sont sans doute plus faciles à lire que d'autres, parce qu'ils s'ouvrent sans grande retenue, mais elle ne fait pas partie de cette catégorie. Avec Scy, il faut creuser pour qu'elle parvienne à s'ouvrir un peu et elle se lasse souvent trop vite pour que ça se produise. Ca l'empêche pas de pouvoir parfois passer des heures à discuter avec une même personne, mais pour ça il faut éveiller sa curiosité et ces occasions sont rares. Gil pose une question à laquelle elle ne sait pas vraiment quoi répondre. Scylla, elle est encore perturbée par ce sentiment que tout ici a l'air naturel mais ne l'est pas, que la production a tout manufacturé de toutes pièces si bien qu'elle a du mal à savoir quel degré d'authenticité se trouve encore dans ce camp. « Je suis encore un peu sceptique. C'est trop "beau" pour être vrai, tu vois. » Et y a une part d'elle qui grince un peu des dents quand elle voit qu'une partie de son propre héritage est galvaudé pour en faire un camp d'été pour ados boutonneux ou aspirants stars de télé-réalité. « Je suis pas sûre que mes ancêtres approuveraient ma présence ici » elle continue dans un sourire, sans prendre la peine d'expliciter davantage. « Je crois que je m'attendais pas à quelque chose de spécifique en vrai. Je préfère être surprise. » Elle se tourne pour s'appuyer contre la rambarde et faire face à Gil. « Du coup tu marches comment ? Sur la base d'autre chose qu'une présentation impersonnelle du prime » elle précise, une moue moqueuse aux lèvres.

Elle a tout du chat sauvage, @Scylla. Ce qui a tendance à faire sourire Gil plus qu'à l'impressionner. Sa remarque est juste et n'arrache qu'un hochement de tête au brun. Lui ça l'inquiète pas plus que ça d'initier une conversation sur des remarques simples - qui peuvent paraître futiles - tout simplement parce qu'il s'est habitué à ce type de gymnastique. Être nomade ça pousse à interagir chaque jour, à chaque mouvement, avec des personnes différentes qui n'ont pour vocation que d'avoir un espace déterminé et écourté dans sa vie. Il sait que les voyageurs finissent toujours par réapparaître, mais en réalité ceux avec lesquels il prend le temps d'approfondir les discussions se comptent sur les doigts d'une main. Alors il papillonne, naturellement, léger et sans reproches à se faire. Pour lui c'est juste une façon d'être au quotidien, il va, échange et repart. Il ne s'attend pas à être transformé au sein de cette émission. Gil il n'est pas venu pour les gens, pour marquer une rupture. Sa rupture il se l'est lui-même instauré depuis des mois. Ses billes suivent les mouvements de la brune, ses expressions. Il aime bien laisser le silence se reposer, rebondir à la fin des idées plutôt qu'à chaque morceau de phrase. C'est qu'en sentant le silence de quelques secondes s'élever entre eux qu'il reprend la parole. T'as osé te confronter à la colère de tes ancêtres. Un sourire délie d'autant plus ses lippes. T'es le genre de personne qui voulait pas aller en summer camp quand elle était môme mais qui était la dernière à en repartir, toi. Sur ses gardes. Sceptiques. Prête à contester les choix de la production comme elle aurait contesté celui de ses parents, des responsables... C'est le cash qui t'attire ? Il creuse, vu que Scylla semble plutôt partante pour dévier des discussions bancales de circonstance. Je m'adapte à ce que les gens veulent partager. Mais je dirais que je marche à l'aventure, à l'opportunité. Si on me propose un truc et que ça me botte, j'y vais. Je marche à l'instinct. Il tente, sans trop savoir où sa réflexion va le mener. Quand il s'agit des autres ça marche à l'accroche directe. Soit un truc m'emballe, soit je fais pas d'effort. Je bouge trop pour chercher à creuser avec tous ceux qui croisent mon chemin. Faut qu'ça le titille, qu'il se retrouve dans quelque chose. Il passe sans doute à côté de nombreuses rencontres, mais Gil c'est pas non plus une bête de popularité. Il cherche à être bien avec lui-même avant tout.

(sorry pour le délai babe )

« Quelque chose dans ce goût-là, ouais » elle répond d'un ton amusé. Son héritage amérindien est bien trop dilué pour qu'il ait une véritable signification pour elle par rapport à ses autres racines, mais elle sait qu'il est présent quelque part dans son sang. Pas assez pour se faire retourner dans leur tombe ses ancêtres, mais assez pour qu'elle s'épargne la perspective de s'extasier face à un pseudo camp indigène. @Gil y va de sa petite tentative pour la cerner et ça lui arrache un vrai rire, peut-être le premier depuis qu'elle a foutu les pieds ici. « On peut rien te cacher à toi » elle se marre, glissant un regard bref sur lui avant de le reporter sur l'horizon face à elle. « C'est la première fois que j'en fais un. De summer camp. » Ses parents avaient pas la thune pour envoyer ni sa soeur ni elle dans ce genre d'endroit, ils se contentaient de leur offrir ce qu'ils pouvaient. Elle s'en fout, Scy, elle a jamais vraiment manqué de rien à part tous ces trucs superficiels d'american teen, mais y a un côté marrant à se dire qu'elle concrétise enfin ce rite de passage. « Mais si j'y avais été... ouais, j'aurais probablement réagi comme ça. » Mécontente qu'on lui impose quoi que ce soit avant de finir par y trouver son compte. Faut dire qu'à partir du moment où elle a de quoi s'occuper de son côté, de préférence en extérieur, elle n'a pas besoin de grand-chose de plus Scylla. « Mmh... pour faire plaisir à ma soeur, d'abord. Mais je crache pas sur le cash non plus, forcément » elle acquiesce avant de se tourner à nouveau vers lui. « Toi ? Laisse-moi deviner, l'expérience humaine incroyable » elle se moque vaguement, en utilisant le premier cliché qui lui vient en tête. Gil se lance dans ses explications, auxquelles elle hoche la tête pour lui faire comprendre qu'elle capte ce qu'il veut dire. Ca lui tire un sourire, parce qu'elle a tendance à fonctionner de la même façon. Elle peut être extrême, Scylla, dans sa passion comme dans son total désintérêt, et elle oscille de l'un à l'autre sans crier gare. Ses changements de mood sont brutaux et souvent inexplicables. Si elle se lasse, elle lâche le truc tout de suite. « Tu bouges trop » elle répète pour l'amener à développer davantage. « Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? » Sûrement qu'il l'a déjà dit dans sa présentation, mais elle devait pas être assez attentive. « Mais je comprends. Je fonctionne un peu pareil. Le sourire en moins » elle ajoute dans un trait d'auto-dérision. Ca lui vient pas vraiment naturellement, de même que les contacts sociaux de façon générale. Pas qu'elle aime pas les autres... encore que. Elle a pas la passion pour ça, et encore moins la patience. « Du coup il te dit quoi là tout de suite ton instinct ? » elle challenge Gil avec un rien de moquerie dans le regard.